Octobre 2023
Sommaire
Fête
On sonne à la porte, je suis prête, Lydia est à l'heure pour une fois et elle n'a pas oublié la crêpière. Ce soir c'est la chandeleur, ce soir c'est crêpes party. Légumes et charcuteries sont coupés, les bouteilles de vin débouchées, on se sert un verre en attendant Jane et Aurel, on met la musique, Cindy Lauper « And girls, they wanna have fun » et on chante …
Bonne humeur et lâcher-prise…
La musique résonne, le festival bat son plein, on boit, on danse, on rit, les fûts de bière se vident, trop vite… Papa ou un de ses employés va venir ravitailler, je dis à mon frère « Eh, si papa nous voit dans cet état il va halluciner ! » Dix minutes plus tard je le vois dans la foule, je ne le louperai pas même au milieu de 100000 personnes, même alcoolisée, je ne vois que lui, papa est là, je suis fière, c'est mon père qui ravitaille le festival, il est attendu comme le messie ! J'oublie notre état d'ivresse et entraîne mon frère par le bras pour courir embrasser notre père.
Bonne humeur et lâcher-prise…
C'est la fête oui, mais pas la soirée entre potes, c'est la fête de l'Huma. J'ai mon badge, mon sac à dos, ma propagande et je le cherche. Je fais le tour des stands, plusieurs fois, quand j'entends enfin sa voix. Aujourd'hui est un peu ma fête, aujourd'hui je rencontre Olivier Besancenot et la musique de la lutte vibre en moi.
Bonne humeur et lâcher-prise
C'est à chaque fois la même rengaine, je dis oui et je regrette d'avoir dit oui à cette fête bien trop fatigante. Je rêve de jus de tomate, je ne supporte plus la fumée de cigarettes, je fuis le
bruit, le monde, je veux être en pyjama dans mon lit avec un bon bouquin, c'est ça ma fête.
Véka
Pour ça, pour sûr, pourvu que ça dure.
Il y avait cinq bougies
Mon pyjama nounours
Tout doux
Et la chanson,
Tu sais.
Ben non !
Si, la chanson…
Pour ça, pour sûr, pourvu que ça dure.
Sur le Pont des Soupirs, un arc-en-ciel et un feu d’artifice.
C’est pas possible !
Quoi ?
Un arc-en-ciel et un feu d’artifice.
Pour sûr, je veux, je veux que ça dure.
Cheveux blancs
Cris de fête
Paquets en pyramide
Rubans en colliers heureux
Matin surprenant
Nuit kidnappée
C’est passé.
Ça dure
Susurre-moi encore
Pour sûr
Encore
Pourvu que
Ça dure ?
Encore
Encore
Encore
Nadine
Verres blancs – tintent – et cognent
Verres dorés
Verres vidés
La fée en robe rouge traverse la salle.
Le bal peut commencer.
Verres blancs – cognent et tintent
Verres vidés
verres dorés
La fée en robe jaune glisse – tourne – tourne – se retourne.
verres sales – tintent et se cassent.
Verres vidés
Verres vides
Tu peux éteindre la lumière.
Nadine
Cette fête qui se répète est pour moi la première.
Maman m'a acheté une nouvelle tenue. C'est important, a-t-elle dit, tout le monde sera habillé d'une certaine manière. J'imagine qu'on respecte une règle similaire à Halloween. Sauf qu'il n'y aura pas beaucoup d'enfants. Mais nous serons quand même entourés, m'a-t-elle dit aussi. Il a de la chance qu'on fasse tout ça pour lui. On a organisé presque autant de choses pour la petite Camille. En fait, on fête une naissance, une transformation. Je ne vois donc pas pourquoi la couleur y est bannie. Sauf pour les fleurs ! On pleure aussi, peut-être plus qu'à un mariage. C'est privé, je n'avais pas le droit d'inviter des copains. Cela m'a fait penser aux monsieurs mastocs et en costards à l'entrée des boîtes. Sauf que cette fois, ils la porteront la boîte. Et la musique sera plus calme. On parlera peu, enfin ça dépendra qui, a dit maman. Ça commence, personne ne danse.
A tue-tête et depuis trop tôt, la vedette ne dit pas un mot.
Cette fête qui se répète est pour moi la première.
En vogue la drogue, mais ce ne sera pas pour moi. D'ailleurs qu'est ce qui sera pour moi ? L'envie d'y aller je l'avais, l'envie de repartir je l'ai en pire. Que m'a-t-il pris et pour quel prix ? Donne-moi ta main, j'étais venue donner la mienne. Parle-moi, je n'attends que ça. Je devrais pourtant m'amuser, et mépriser à expérimenter. La proposition était claire et j'ai sauté sur l'occasion. Peut-être était-ce un moment inopportun ? D'un hippopotame j'ai l'air. Qu'est-ce donc pour vous le partage ? A quel âge y aurais-je droit. J'avais un bon sentiment, ma compagnie est bonne. Je suis dans le même état que vous. Dans quel état suis-je ? Un étage en dessous la conscience. Je cherche une appartenance, à donner ma confiance. Vous faites preuve d'insouciance. Je suis nouvelle, cela ne se voit pas ? On ne me remarque pas. Dans d'autres circonstances cela est faux. On devrait m'voir. Pas de panique, c'est magique en musique. Je reste là. Je pars.
A tue-tête et depuis trop tôt, la vedette ne dit pas un mot.
Cette fête qui se répète est pour moi la première.
Les mots, les pensées, le cœur, tout s'était arrêté. George n'en croyait pas ses yeux. Ses amis, ses collègues, sa famille, tous étaient présents. On l'avait dupé. Mais il se réjouissait déjà de cette belle farce. Faut-il notifier que cela faisait gros ? Une soi-disant panne de voiture, un besoin urgent de faire des courses, une maladie foudroyante. Voilà qui laissait la maison vide pour préparer un anniversaire surprise. Étonné, subjugué, âgé.
A tue-tête et depuis trop tôt, la vedette ne dit pas un mot
Lilas
Fête, atelier atheneum
Il manque des mots et j'oublie un refrain.
Cette chanson douce au début de la nuit dans son petit lit complice d'insomnies.
Il manque des mots et j'oublie un refrain.
Chant puissant et lumineux au carrefour de nos pensées perdues depuis trop longtemps.
Il manque des mots et j'oublie un refrain.
Cette puissance de la voix, chanteur d'opéra, guide de nos sensations, tremblement affolant noyant l'orchestre, jetant nos pensées dans la fosse.
Il manque des mots et j'entends le refrain.
La fête est défaite, les lumières disparaissent, les sons s’en sont allés.
Il ne manque plus rien ma mémoire m'a sauvée.
Aline Sarvac
Ici, rien ne bouge, on ne sait plus quoi faire. Il pleut sur le chemin. Est-ce la pluie ou le chagrin ? Tout devient illusoire à part l’espoir. On avance en silence avec des petits pas de danse sans offense mais merveille. Les rayons du soleil ne donnent pas sommeil. Une porte est apparue, au loin dans la rue, derrière des bruits de couloirs ou le brouillard. Le vent souffle et empêche d’avancer. Mais on arrive à s’élancer comme sur une dune. La lune ne s’associe pas avec la brume. Les phrases qu’on oublie, qu’on ne met pas dans le récit, le vent nous les chuchote à l’oreille. C’est bien à ce qu’on pense et les plaies qu’on pense. On chante, on danse, on s’ambiance.
Adrien
Le poil est dans la main. L’alcool ? En quête. Il cherche le malin.
18h30, le soleil est encore plein. Par où partir, par où aller ?
Il s’aventure vers le coin Musette/Quentin? Il y croisera bien quelqu’un·e.
Le poil, toujours dans la main. L’alcool ? Toujours en quête. Il cherche encore le malin.
Ah, tiens, Ginette ! Elle attend le reste des copain·es. « Viens, je t’en paie un ! », dit-elle.
Le poil est dans la main. L’alcool ? Allez, c’est fête ! Il a peut-être trouvé le malin.
Il vérifie sa montre, 20h20. Les copain·es arrivent. Bon, alors encore un !
Le poil, dans la main. L’alcool ? C’est chouette ! Viens, le malin.
La montre, elle, s’arrête. Les verres font grandir ses mots plus forts. Voilà Martin ! « Viens, j’t’en paie un ! »
Le poil, la main. L’alcool ? Arrête. T’as l’air malin...
Vomi ? Pas loin. Le flou furète. La bile arrive. Vive la fête ! Allez, plus qu’un !
Point. Et bam, la tête. C’malin !
ARG
Fêtes des morts.
Depuis toujours je me questionne sur ce drôle d’oxymore
Pourquoi, nos morts,
Faut-il un jour pour qu’on les adore ?
Puisque toujours, là-bas dans le creux,
Tu me regardes depuis les cieux.
Fête de Noël.
C’est plus fort que moi, ça brûle comme une étincelle
Pendant que tous s’émerveillent,
Je ne pense qu’à ton sommeil éternel.
Puisque toujours, là-bas dans le creux,
Tu me regardes depuis les cieux.
Fête des Rameaux.
On bénit le buis en chantant un Credo.
Cette fête est mon repos.
J’en dépose sur ton tombeau.
Puisque toujours, là-bas dans le creux,
Tu me regardes depuis les cieux.
Fête de mariage.
Un jour où d’être sa fille je n’avais plus l’âge,
Avec Grand-père comme un hommage,
Nous avons chanté un Shalom digne de ton visage.
Puisque toujours, là-bas dans le creux,
Tu me regardes depuis les cieux.
Romane
Questionner le mot
Qui suis-je ?
Essentielle
Mais fréquemment invisible
Au service de Puissants,
Mais aussi de Minuscules, négligés,
Mes cousines, nombreuses, me côtoient parfois,
Nous sommes très liées !
Sinon, à distance, on se retrouve sur les réseaux sociaux.
Mireille Barelle
Avais-tu songé que tu naîtrais au moment du partir ?
Avais-tu considéré que tu nous ferais nous endurcir ?
Tout en gardant au chaud notre plaisir ?
Savais-tu que ta présence nous ferait souffrir ?
Mais qu’elle finirait, un jour, par nous guérir ?
Crois-tu qu’il vaille la peine de t’écrire ?
Ou penses-tu être l’empreinte indélébile de nos soupirs ?
L’empreinte indélébile de nos rires ?
Toi à qui je m’abandonne quand, de joie ou de peine, vient l’heure de gémir,
Es-tu bien certain de rester jusqu’au temps de mourir ?
Je ne pensais pas te faire pâlir,
Toi qui de force semble t’enduire.
Je ne suis que la lumière de ton sourire.
Garde uniquement ce qui te fait grandir,
Comme un souvenir.
Romane
Comment t’appelles-tu ? D’où viens-tu ? Que fais-tu ? Qu’entends-tu ?
Depuis quand existes-tu ? Joues-tu avec les émotions ? Es-tu placé dans le fond ? Cours-tu vers de nouveaux horizons ? As-tu des idées d’avenir ? Où vas-tu ? Cours-tu ? Marches-tu ? Connais-tu des perturbations ? Écoutes-tu les donneurs de leçons ? Fais-tu des cadeaux ? Te diriges-tu dans la bonne direction ? As-tu une opinion ? Tombes-tu sous le sens ? As-tu fait le tour de la question ? As-tu des irritations ? As-tu des visions ? Sombres-tu dans la folie ? Es-tu une télévision ? Passes-tu des émissions ? Es-tu bon ? As-tu suivi le bon chemin ? Es-tu tombé dans des branchages ? As-tu tourné la page ? As-tu la rage ? Es-tu sage ? Est-ce que tu te figes ? Est-ce que tu te fâches ? A quoi joues-tu ? A quoi penses-tu ? As-tu la tête dans les nuages ? Es-tu debout ? Es-tu assis ? Fais-tu une conclusion ? Rentres-tu dans l’action ? As-tu le temps ? Es-tu prudent ? Es-tu patient ? As-tu besoin d’écrire ? As-tu besoin de lire ? Qu’as-tu besoin de dire ? Que réalises-tu ?
Je détends les gens, je peux jouer avec les émotions, je ne suis pas placé dans le fond, je vais là où le vent me mène, je me permets de courir ou bien de marcher, je vais certainement dans la bonne direction. Des fois, je me permets de sombrer dans la folie. Je ne suis pas tombé mais pas loin. Souvent, j’arrive à trouver l’inspiration.
Adrien
Dans ce jardinet tout propret au premier plan, qui était l’enfant qui jouait au triporteur ?
Quel adulte est-il devenu ? Est-ce un homme, une femme ?
Si c’est un homme, est-il resté dans ce quartier, voire dans cette maison ?
A-t-il épousé une petite voisine dont il était secrètement (ou pas !) amoureux ?
Si oui, ont-ils été heureux ?
Des disputes ont-elles réveillé le voisinage ?
Est-ce que c’est dans ce pavillon qu’au soir du 11 mars 1977, les secours et la police ont été appelés ?
Est-ce dans la salle de bain de ce pavillon qu’on a retrouvé le corps meurtri et sans vie d’Esther, 34 ans, qui attendait son premier enfant ?
Ce quartier si tranquille, où personne n’osait se mêler de l’existence des voisins
En mars 1977, il s’agissait sans doute d’un crime passionnel
En avril 2023, ce serait le 49ème féminicide de l’année.
Aline
Dialogue verdoyant
D’où viennent tes tâches ?
Est-ce qu’elles te cachent ?
Qu’est-ce qu’elles cachent ?
Qu’est-ce que tu mâches ?
Comment vas-tu ?
Que cherches-tu ?
Comment marches-tu ?
Si tu t’en vas, jusqu’où tu vas ?
Chapeau ou pas ?
Cherches-tu ton pas ?
Trépasses-tu ?
Et quand trépasses-tu ?
Dans le vacarme ? En cheminant ?
As-tu une voix ?
Et d’ailleurs, qu’est-ce que tu vois ?
Vois-tu ?
Combien tu pèses ?
Petit malaise.
Es-tu à l’aise ?
Et charolaise ?
Réponse :
Je mâche l’herbe
Je marche sur l’herbe
Je pèse mon poids
Je te vois.
Mon pas est lourd et lent,
Mais toujours dans le vent.
Mes tâches ne cachent que les mouches
Qui tourbillonnent autour de moi
Cherchant ma bouse
Ou-bien est-ce moi,
Qu’elles affectionnent ?
Dont elles raffolent ?
Si je trépasses, souvent c’est toi qui me tues,
C’est de ta main dont vient le vacarme
Et bien nombre de mes larmes.
ARG
Autour de soi
Nommer sans nommer :
Elle avait l’habitude de rire à des moments inappropriés, lors d’un enterrement par exemple.
Elles avaient l’habitude de se retrouver pour se raconter encore et encore les événements de leur vie, ces filles de la même famille.
Elle avait l’habitude de nous accueillir avec un verre de jus de fruit et une part de gâteau
Elle avait l’habitude d’écouter les petits et les grands malheurs des enfants de la rue
Elle avait l’habitude de venir au milieu de nos conversations l’ancêtre jamais connue
Toutes ces femmes fortes et belles ne m’ont pas donné l’opportunité de trouver une chute à ce texte, tant pis.
Marie-Jeanne
Ce soir, Nina nous donne un challenge sur la connaissance de soi….
Cette première séance d’atelier d’écriture commence bien…
Que veux-tu que je te dise Nina…
Mes frères avaient l’habitude, tiens j’ai déjà écrit comme ça non ?, de m’appeler la grosse et bien tu vois je me vois encore comme ça, et pourtant je ne suis pas une baleine,
La deuxième étiquette qu’ils aimaient me coller était « la chiante » et bien je t’assure il faut un paquet de temps pour se défaire de cet adjectif.
Bon je laisse de côté la famille et je me tourne vers mes amis. Ils disent de moi que je suis bavarde mais je suis restée muette comme une carpe pendant des heures. Je t’assure j’ai testé pendant mon stage de méditation je n’ai pas parlé pendant trois jours.
Mes enfants disent de moi que je suis un vrai bourrin et pourtant lors d’un stage de marche quelqu’un m’a qualifiée de « douce » …
La liste pourrait encore être longue. Nous ne sommes que des facettes d’une chose et d’une autre à différents moments de notre vie. Nous ne nous résumons pas à un ou plusieurs de ces adjectifs. Ce sont ces facettes multiples qui font la richesse de notre personnalité faite de coins et de recoins, qui nous étonne nous-même, quelquefois.
Marie Jeanne
Dans ma famille,
Il y a une femme qui allume le poêle de l’église avant la messe
Il y a une femme qui garde les enfants des autres
Il y a une femme qui perd la raison et s’en va
Il y a une femme qui se bat contre la maladie
Il y a une femme qui est comblée par la petite famille qu’elle a réussie à construire
Il y a une femme qui admire son jardin en fumant une cigarette
Il y a une femme qui attend qu’on vienne la voir
Il y a une femme qui joue de l’orgue pendant la messe
Dans ma famille, il y a ces femmes qui reposent en paix.
LB