Février 2025
Sommaire
Lettres de non-motivation
Où l'on répond à des petites annonces, à la manière de Julien Prévieux ...
LETTRE DE NON MOTIVATION
Madame, Monsieur, Personnes non genrées,
Suite à votre annonce relative à un poste d’administrateur bases de données junior, transmise par France Travail, je me permets de vous adresser ma candidature, que je vous prierai d’examiner avec toute la malveillance dont vous pourrez faire preuve.
En effet, pour ne pas décevoir ma charmante conseillère France Travail, et surtout ne pas perdre mes allocations chômage, je me dois d’effectuer des candidatures régulières.
Afin d’être certaine de ne pas être recrutée et ainsi continuer à profiter de ce temps libre si épanouissant, je me dois de sélectionner des annonces qui correspondent le moins possible à mes capacités, et je dois reconnaître qu’en l’occurrence, la vôtre est absolument parfaite.
En effet, j’ai largement dépassé l’âge d’être considérée comme une junior (ce que personnellement je regrette un peu, mais il est des choses qu’on ne maîtrise malheureusement pas).
Ensuite, je n’ai qu’une très vague idée de ce qu’est une base de données. Y a-t-il un rapport avec des données de base ?
Par ailleurs, j’ai une méconnaissance totale du logiciel Oracle, ne m’étant jamais intéressée de près ou de loin à l’astrologie.
Enfin, je n’ai aucune notion du langage SQI. En revanche, je parle couramment le patois morvandiau (compétence par ailleurs très rarement exigée, ce qui est bien dommage).
Pour terminer, je crains que mes convictions personnelles et politiques ne me permettent pas de cautionner une entreprise filiale d’une banque d’affaires américaine. N’y voyez rien de personnel, mais ayant été élevée par des parents vouant un culte à Fidel Castro, je m’en voudrais de renier toute mon éducation et de me fâcher avec ma famille.
Pour terminer ce courrier, je vous précise que je ne me tiens pas à votre entière disposition pour aucun rendez-vous, d’ailleurs, je ne vous ai pas laissé mes coordonnées.
Veuillez agréer, Camarades, mes salutations les moins fraternelles.
Evelyne Le Coz
Madame, Monsieur,
Suite à l’annonce parue le mois dernier dans le journal, je vous écris pour le poste de télécommerciaux. Je ne sais pas exactement de quoi il s’agit mais je ne suis pas ambitieux pour deux sous. Je ne sais pas vraiment si je pourrai faire l’affaire car je ne suis pas dynamique et je me décourage très vite. Alors pour la formation, ça prendra du temps si vous voyez ce que je veux dire. Vous parlez d’un fixe et de primes mais vous ne donnez pas le montant. Vous notez aussi des commissions avec un S. Je fais déjà les miennes. Ce n’est pas pour faire les vôtres.
Comme vous l’avez compris, je ne suis pas fait pour de travail de télécommerciaux même si je ne sais toujours pas trop de quoi il en retourne. Je pense que vous trouverez un meilleur profil que le mien à Pôle Emploi.
Dominique
Monsieur, je vous demande de ne pas tenir compte de mon inscription, faite sur un coup de tête :
Ecrire
Ecrire encore…
Une histoire qui ne m’intéressera pas, à priori
A postériori, je verrai quoi en penser
Ecrire, mais je ne sais pas, je ne sais plus…
Ecrire pour rire, pour faire semblant
Et quoi encore ?
Retourner à l’école ?
C’est ça, faire des lignes
Mais qu’est-ce qu’il m’a pris de répondre à cette annonce
Je n’ai plus d’idées
Je n’oserai jamais lire ce que j’ai trouvé
D’ailleurs, maintenant, comment me relire, j’écris comme un chat ; et comme un chat j’adore les radiateurs
Et ce soir, je n’irai pas à ce stage d’écriture, je laisse ma place à d’autres…
Je vais faire un bon feu et je rêvasserai à mes débuts, à mes lecteurs de jadis et à mon boulot d’écrivain qui ne marche pas fort depuis quelques années
En fait, je dormirais je crois, c’est plus confortable
L'Arbrelle
Objet : Non merci
Madame, Monsieur,
Je vous remercie de m’avoir envoyé votre annonce pour le poste d’opérateur CFAO à Villepreux mais je vais être obligé de décliner.
Je ne corresponds pas du tout au profil. Vous cherchez quelqu’un de motivé, ce n’est pas moi, de souriant, je fais la tête tout le temps, je n’arrive pas à sourire, de physique, je suis du genre mollasson et avec un esprit d’équipe, je travaille solo, reclus des autres.
Pour les missions du poste, flemme, vous mettez que la rémunération est motivante mais flemme.
J’ai perdu mon CV et je ne vous enverrais pas de photos, vous feriez des cauchemars et pourriez m’arrêter pour me parler dans la rue et je n’ai pas envie, flemme.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.
J’ai la flemme de signer
P. S. : Je n’ai même pas lu votre annonce, un ami l’a fait pour moi, je n’ai rien compris, c’est quoi ce charabia, franchement.
Adrien Lepetit
Portraits
Où l'on écrit, à la manière de Clémentine Mélois, une galerie de portraits à partir de listes de course et d'un tic de langage...
Et hop….
Julia avait bien prévu tous les ingrédients la veille.
Après son petit déj’, hop, elle est partie à la superette.
A la fenêtre, Adrien l’a appelée pour lui lancer la liste qu’elle avait oubliée.
« J’ai rajouté le plat de consistance : du petit salé, spécialité de mon grand-
père. N’oublie pas »
Et hop, elle a traversé trop vite et a failli être renversée
Le chauffeur, mécontent, avait klaxonné plusieurs fois, heureusement.
Julia, toujours pressée, avait déjà tourné les talons.
En une demie heure, hop, elle se retrouve au pied de l’immeuble ; elle compte
sur Adrien pour venir chercher les courses. Elle sonne plusieurs fois et le voit
enfin arriver, hagard… Il s’était rendormi.
« Grouille toi. Mets tout au frigo, on verra cet après-midi pour les
préparatifs ! »
C’est l’heure de mon jogging
Et hop, la voilà déjà repartie…
L'Arbrelle
MAIS ENCORE
Je pense que l’organisation n’est pas seulement un mode de vie, mais encore plus une façon de vivre sa vie. Je m’explique : si je n’étais pas aussi organisé, je perdrais du temps tous les matins pour savoir non seulement comment m’habiller, mais aussi et encore que manger, que regarder à la télé, mais encore que faire de mes loisirs. Les choix sont infinis et sans fin, mais encore plus : ils sont chronophages.
J’ai donc décidé une fois pour toutes d’organiser ma vie sous tous ses aspects une fois, mais encore mieux de m’y tenir.
Donc, j’ai établi un planning pour le ménage : le lundi aspirateur, le mardi poussières, le mercredi entretien du linge, le jeudi repassage, mais encore liste des courses, le vendredi courses.
En ce qui concerne ma liste de courses, je suis assez content de moi : j’ai imprimé une liste avec tous les produits dont je peux avoir besoin, et toutes les semaines je fais une croix devant ceux que je dois acheter le lendemain, mais encore sans oublier de rayer ceux que je n’achèterai pas. Il va sans dire que ma liste est faite dans l’ordre des rayons du magasin ; je gagne un temps fou, mais encore plus : je dégage mon cerveau de tout parasitage.
Mais j’ai encore appliqué le processus à mes vêtements : je fais un roulement sur la semaine. Par exemple, aujourd’hui vendredi, j’ai mis mon pantalon noir et ma chemise grise, comme tous les vendredis. Demain samedi, un jean et un polo et dimanche un jogging. Mais encore mieux : j’ai un planning vestimentaire aussi pour les vacances à base de bermudas et de tee-shirts, parce que je sais aussi me détendre. Il ne faudrait pas croire que je suis psychorigide quand même.
Le seul domaine auquel je ne peux pas appliquer ma méthode est celui des relations humaines. Les gens sont non seulement compliqués mais encore plus totalement imprévisibles. J’ai donc résolu le problème en m’abstenant totalement de sociabiliser avec des inconnus.
N’allez pas croire pour autant que je sois solitaire, j’échange beaucoup, tous les mardis soirs de 20h15 à 21h30, avec un groupe d’internautes intéressés comme moi sur un forum consacré aux différentes méthodes d’organisation. Nous avons des débats constructifs mais encore plus passionnés sur le sujet.
Evelyne Le Coz
Florian, 35 ans, est un homme qui est assez organisé, il vit avec six chats : Mirabelle, Aubépine, Lepetitchat, Rigolo, Poire et Foire. Il s’occupe à longueur de journée de ses chats. Et pourtant, il prend le temps de s’occuper de lui. Et pourtant, au début de sa journée, il se lève à 7h00, fait quelques étirements pour se sentir en forme. Et pourtant, à 8h00, il va à la salle de sport. Et pourtant, à 9h00, il s’en va de la salle de sport. Et pourtant, ensuite, il va au travail qui commence à 10h00. Et pourtant, il est agent d’accueil. Et pourtant, il doit être sympathique avec les gens. Et pourtant, il finit à 16h00. Et pourtant, ensuite, il fait un tour pour arriver à 17h30 en course. Et pourtant, en rentrant, il donne à manger à ses chats. Et pourtant, il va se coucher entre 21h00-21h30. Et pourtant, ça recommence.
Adrien LEPETIT
Des métiers et des gestes
Où l'on écrit, à la manière de George Perec, en écho à l'exposition "à l'ombre des gestes, Corps et savoirs" à l'atheneum...
Plaquer
Claquer
Couper
Poser
Jeter
Appuyer, retourner plusieurs fois
Rouler, faire rouler
Taper
Tapoter
Tourner
Aplatir
Mouler
Modeler
L'Arbrelle
Le genre de femme
Où l'on se bâtit une cité des dames, en clin d'œil à celle de Christine de Pizan. Chaque portrait est conçu comme une devinette : trouverez-vous de qui il s'agit ?
Je suis le genre de femme qui a su s’imposer parmi les hommes.
Je suis le genre de femme à être née 6 ans avant l’arrivée du NSDAP en Allemagne.
Je suis le genre de femme à ne reculer devant rien.
Je suis le genre de femme aux multiples nationalités.
Je suis le genre de femme à avoir côtoyé François Mitterrand.
Je suis le genre de femme à qui il tient à coeur qu’en politique la parité soit respectée.
Je suis le genre de femme à avoir défendu Djamila Boupacha
Je suis le genre de femme avec des revendications similaires au FLN.
Je suis le genre de femme qui a tendance à s’allier aux grandes figures comme Simone de Beauvoir.
Je suis le genre de femme à défendre les femmes.
Je suis le genre de femme représentant les sources fondatrices de l’altermondialisme.
Je suis le genre de femme à avoir fait en sorte que le viol soit reconnu comme un crime.
Je suis le genre de femme censée être panthéonisée depuis 2 ans maintenant.
Je suis le genre de femme franco-tunisienne que les indépendantistes algériens ont aimée,
et encore aujourd’hui, ils m’aiment.
Timothé Carau